L'exposition permanente du mémorial de Montluc pourrait ainsi être revue, pour revenir non plus sur la seule période de la guerre, mais de l'ensemble du 20e siècle. Plusieurs voix se sont élevées contre, au nom d'une mémoire singulière qu'il faut absolument préserver.
"Cela ne peut qu'apporter de la confusion"
Près de 10.000 hommes, femmes et enfants ont été enfermés à Montluc entre 1939 et 1945. Des Juifs et des Résistants. En 1944, les enfants d'Izieu raflés par la Gestapo y ont passé une nuit. Ils ont ensuite été déportés, puis exterminés. Quarante ans plus tard, Klaus Barbie sera lui-même emprisonné brièvement, dans ce lieu où il avait enfermé Jean Moulin.
La prison de Montluc, c'est aussi le quartier des condamnés à mort pendant la guerre d'Algérie. Des partisans du Front de Libération Nationale (FLN) y ont été emprisonnés. Des personnes condamnées ont été guillotinées. Avant de fermer en 2009, Montluc était devenu une prison pour femme. Le projet d'exposition prévoit de revenir sur l'ensemble de ces périodes, ce qui fait craindre aux associations fondatrices du mémorial une trop grande complexité.
"Ce n'est pas une volonté d'effacer les autres mémoires, c'est une volonté de ne pas mettre au même plan toutes les formes de cruauté et de délits, tout n'est pas au même niveau", tient à rappeler Nicole Bornstein, présidente du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) en Auvergne-Rhône-Alpes. "La gravité de ce projet de restauration, c'est qu'il faut bien le rappeler, énormément de jeunes se rendent au mémorial. Souvent des groupes scolaires, quand ils abordent en classe cette période de l'Histoire. Et là, ils vont avoir tous ces récits en même temps ? Cela ne peut qu'apporter de la confusion."
Les associations se sont également prononcées contre le fait de rendre l'entrée du musée payante. Une mesure qui ne concernerait pas les descendants des personnes emprisonnées à Montluc... "Mais pour quels descendants, pour quelles générations ?", s'interroge Nicole Bornstein. Le devenir de la salle des enfants d'Izieu, qui pourrait devenir une "salle pédagogique", n'est pas non plus perçue d'un très bon œil.
Les échanges se poursuivent avec le ministère des Armées
Le 10 février dernier, les associations étaient justement reçues par la ministre des Armées, Geneviève Darrieussecq. L'occasion de faire remonter leurs inquiétudes.
"La ministre a souhaité les entendre. Après de nombreux échanges, elle a affirmé que le mémorial de Montluc est et restera le mémorial de la Résistance et de la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale. Cet objectif n'a jamais été remis en cause", peut-on lire dans un communiqué publié par les équipes du mémorial. On apprend ainsi que 8 millions d'euros vont être investis pour rénover le lieu.
Quant au contenu du musée, il est bien question de revenir sur "la totalité de l'histoire de ces lieux, qui traverse le 20e siècle" avec "des dispositifs pédagogiques complémentaires à la visite". Un projet abouti doit être présenté avant les commémorations de la libération de Montluc. Une autre aile de la prison, pour l'heure inutilisée, doit aussi faire l'objet d'études.
