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AFFAIRE RIBES : LES VICTIMES DU PRÊTRE PÉDOPHILE UNISSENT LEURS VOIX

Vendredi 6 Mai - 14:40

Actualité


Les victimes du prêtre Louis Ribes - © Radio SCOOP / Lea Duperrin
Pour la première fois, les victimes du Père Louis Ribes décédé en 1994, ont parlé d'une seule voix. Plusieurs décennies après les agressions sexuelles subies, elles entendent mettre la pression sur l'Église à travers une série de revendications.


"La lenteur, le mépris, le silence de l'Église." Face aux journalistes présents ce vendredi midi, Yasmine revient sur l'affaire Louis Ribes. Son père, Luc Gemet, a été agressé enfant par ce prêtre, depuis décédé. Un homme d'Église et un peintre, qui faisait poser nus ses modèles. Des enfants originaires du Rhône et de la Loire, dont il abusait sexuellement.

D'après les diocèses de Lyon, de Saint-Étienne et de Grenoble, 49 victimes se sont manifestées. Mais ce serait en réalité bien plus, selon le collectif qui juge le chiffre largement sous-évalué. "C'était tous les ans une quinzaine d'enfants qui passaient des vacances chez lui. Pendant des années", rappelle Yasmine.

"On est quatre enfants, quatre victimes"


Qui savait dans l'entourage du Père Ribes ? Qui n'a rien voulu dire ? Reste aujourd'hui le traumatisme, mais aussi l'héritage artistique du prêtre. Des photographies, des peintures, des vitraux. Comment se fait-il que certaines œuvres aient disparu, alors que d'autres ont été retrouvées ? Les victimes veulent aujourd'hui des réponses.

Annick Moulin a aussi été victime du prêtre, comme le reste de sa fratrie. "On est quatre enfants, quatre victimes." Avec douleur, elle évoque ce qu'il reste aujourd'hui de son bourreau. "Ses tableaux ont été décrochés des églises, mais il y a ce livre qui est toujours en vente et qui encense ses œuvres. Je me suis aperçue il y a peu de temps qu'à la fin, mes parents étaient cités dans les remerciements".

À l'époque des faits, elle avait aussi posé pour le peintre qui a même vendu un tableau à ses parents. "On reste aujourd'hui les grands oubliés", assure-t-elle, regrettant que l'Église ne fasse pas plus pour accompagner ceux qui souffrent toujours.

Le collectif demande aujourd'hui que les œuvres de Louis Ribes soient déclassées de leur statut aux monuments historiques, "qu'on arrête de les subventionner avec nos impôts", souligne Luc Gemet. Ils demandent qu'un accompagnement soit proposé aux victimes, pour les aider dans leurs démarches et que l'Église puisse prendre en charge les soins psychologiques. Qu'un lieu puisse ouvrir afin d'y organiser des rencontres. À défaut de pouvoir poursuivre en justice pénale l'auteur présumé des faits puisque décédé, le collectif souhaite accélérer l'indemnisation des victimes qui en font la demande. "Moi, aujourd'hui, j'ai l'impression de mendier", déplore Annick Moulin.

L'enjeu de la réparation et de l'impossible justice


"Nous voulons que chaque victime déclarée puisse entraîner un signalement au procureur. Et nous demandons l'imprescriptibilité des crimes sexuels sur mineurs", poursuit Luc Gemet. Car pour les victimes, le temps est compté. "Regardez-moi, j'ai mis cinquante ans à pouvoir en parler. Certains sont morts depuis, de vieillesse, mais il y a aussi eu des suicides".

Les victimes souhaitent enfin l'application de 45 recommandations de la CIASE, la Commission Indépendante des Abus Sexuels dans l'Église. Et que les crimes sexuels commis soient reconnus comme systémiques. "À partir du moment où c'est bien un système qui a pu permettre un tel silence sur des décennies, avec une destruction de masse dans de telles proportions... Faucher des âmes d'enfants, ce crime-là peut-il vraiment souffrir d'oubli ? N'a-t-on pas l'obligation morale de se rappeler que le système a été défaillant ?", ajoute François Deveaux, fondateur de la Parole Libérée et victime du Père Preynat, pour qui "les diocèses ne font qu'entretenir l'opacité".

"Il y a une nécessaire transformation des règles, cette irresponsabilité civile de l'Église doit cesser", complète Me Jean Sannier, avocat. Pour lui, les indemnisations auxquelles peuvent prétendre les victimes d'abus sexuels commis par l'institution sont tirées par le bas. "Aujourd'hui, en France, on a l'impression qu'il faut que l'indemnisation soit la plus faible possible. Aux États-Unis, des diocèses ont déposé le bilan à cause de ces crimes ! Chez nous, les plafonds prévus pour indemniser les victimes sont surtout pensés pour ne pas mettre l'Église en difficulté".

D'après une analyse financière des biens du diocèse de Lyon réalisée par un commissaire au compte pour le collectif, le patrimoine est évalué entre 172 et 200 millions d'euros. Lorsque l'affaire Ribes a éclaté, le diocèse de Lyon avait indiqué avoir contribué au fonds de réparation de la CIASE à hauteur de 750.000 euros. "L'argent est la seule punition qu'on puisse leur donner. Parce que nous, on a pris perpétuité. Les victimes sont mortes à l'intérieur", veut rappeler Nanou, victime de trois autres prêtres quand elle était enfant.

Nanou, victime d'agressions sexuelles pendant son enfance. © Radio SCOOP