De la disparition de Maëlys aux aveux
La famille de Maëlys De Araujo voit ce procès comme une "terrible épreuve" et attend que la justice prenne "toute la mesure de la dangerosité de Nordahl Lelandais", selon Me Fabien Rajon qui défend notamment la mère et la sœur de la fillette, et que nous avons rencontré en amont du procès (lire ici).
L'accusé, détenu à l'isolement au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (Isère), lui, attend le procès "sûrement comme quelqu'un qui encourt la perpétuité", selon une source proche du dossier. Nordahl Lelandais a longtemps nié avant d'être confondu en février 2018 par la découverte d'une tache de sang dans le coffre de sa voiture, désossée par les enquêteurs. Il déclare alors avoir tué Maëlys "involontairement" en lui portant des coups très violents au visage.
Mais ni cet aveu ni l'autopsie du corps, retrouvé près de 6 mois après la disparition de Maëlys, n'ont permis de faire la pleine lumière sur cette affaire, marquée dès les premiers jours par un énorme retentissement médiatique. Les versions livrées par le suspect n'ont cessé d'évoluer durant les premiers mois de l'enquête. S'il a admis que la petite fille était montée dans sa voiture, on ignore encore dans quelles conditions. Et les circonstances du décès de l'enfant restent entourées de zones d'ombre.
"La question d'un éventuel mobile sexuel se posera vraisemblablement" même si les poursuites pour viol ont été écartées pendant l'instruction faute d'élément matériel, note Maitre Rajon.
Son procès à Chambéry pour le meurtre d'Arthur Noyer n'avait pas vraiment permis de cerner sa personnalité énigmatique. Condamné en mai 2021 à 20 ans de réclusion, il n'a pas fait appel. À ce jour, aucun élément n'a permis d'étayer les multiples spéculations sur son possible parcours de "tueur en série". Une cellule spéciale a épluché pendant trois ans plus de 900 dossiers non élucidés, pour tenter de trouver un lien. Sans résultat.
Retour sur l'enquête
27 août 2017. En cette fin tranquille de vacances estivales, la procureure de la république de Bourgoin-Jallieu, Dietlind Baudoin, reçoit un appel nocturne : une petite fille a disparu lors d'un mariage à Pont-de-Beauvoisin (Isère). "Tout de suite, j'ai senti que l'enquêteur n'était pas serein", raconte la magistrate. Immédiatement, tout s'emballe. Les invités de la noce sont interrogés, des battues organisées, les plans d'eau sondés. Un homme intrigue par son comportement : Nordahl Lelandais. Il a échangé avec la fillette pendant la soirée et s'est absenté au moment de la disparition. Il a aussi, avec un soin extrême, lavé sa voiture le lendemain. Placé en garde à vue le 31 août, Lelandais est libéré le lendemain à la demande du procureur de Grenoble.
Le 3 septembre, nouvelle garde à vue et mise en examen après la découverte d'une trace ADN. Lelandais continue de nier. Il faut attendre six mois et la découverte de la tache de sang pour qu'il avoue. Il conduit magistrats, enquêteurs et avocats là où il a laissé le corps, sur un site escarpé du massif de la Chartreuse. "On ne l'aurait pas retrouvé" sans ses indications, admet Jean-Yves Coquillat qui était alors procureur de Grenoble.
L'affaire Maëlys a soulevé une immense vague d'émotion en France. Et le procès prévu au palais de justice de Grenoble devrait susciter encore plus d'échos médiatiques que celui de Chambéry.
"Bien plus un prédateur sexuel qu'un tueur en série", affirme l'avocate de ses deux cousines
L'accusé devra aussi s'expliquer sur les agressions sexuelles de deux petites-cousines de 4 et 6 ans. Et sur des images pédopornographiques retrouvées sur son ordinateur et dans ses téléphones.
"Ces vidéos n'auraient sans doute jamais été retrouvées sans l'affaire Maëlys et les investigations menées par les enquêteurs, d'autant qu'il les avait effacées", rappelle Me Caroline Rémond, avocate des deux petites filles. "Ce procès, la famille l'attend avec impatience pour pouvoir tourner une page de leur vie. Sans oublier bien sûr, ils vont revoir leur cousin dans le box des accusés, celui qui les a trahis."
"Il y a bien sûr encore beaucoup de zones d'ombre, dans la personnalité même de Nordahl Lelandais. On a bien compris que c'était un manipulateur. Il a reconnu les agressions sexuelles commises sur ses deux cousines, l'une d'elle était d'ailleurs sa filleule. Est-ce qu'il donnera d'autres explications que le fait d'avoir été selon lui, sous l'emprise d'alcool et de cocaïne ? À notre sens, Nordahl Lelandais est bien plus un prédateur sexuel, compte tenu des actes commis sur ses petites cousines, qu'un tueur en série", avance enfin l'avocate.