Après 22 ans de prison, Yannick Deslandes brise la loi du silence à Villeurbanne

"Bonjour à tous, je m'appelle Yannick Deslandes, j'ai 56 ans." Ce jeudi 20 novembre au soir, des habitants de Villeurbanne sont venus assister à la rencontre, organisée par la Ville, à l'Espace Tonkin. Et le lieu n'a pas été choisi au hasard.

Ces dernières années, le quartier du Tonkin a fait l'objet d'une attention particulière des services de police avec l'arrivée d'une Brigade spécialisée de terrain (BST) qui a permis, d'après la préfecture du Rhône, d'éliminer plusieurs points de deal.

Des moyens supplémentaires longtemps réclamés par la municipalité, elle-même régulièrement interpellée par les habitants du Tonkin.



Yannick Deslandes n'est pas là pour "faire la morale", mais pour parler de son vécu. Celui d'un jeune de Barbès, tombé très tôt dans la délinquance.

Victime des violences d'un père alcoolique, il ère dans les rues de son quartier parisien. Il voit les trafiquants, bien habillés, bien entourés.

Des petits délits commis en foyer, le voilà embarqué dans des affaires d'une autre ampleur. Petit à petit, il grimpe les échelons du trafic de drogues international. Il gagne de l'argent, mais retombe souvent sur la case prison.

"Ce n'est pas ce qu'on imagine. Il y a le bruit, la saleté, l'absence d'intimité... Et puis bien sûr, il y a les souffrances que l'on inflige à nos proches. Les moments de vie que l'on rate", témoigne-t-il. Comme la naissance de son fils, pendant une incarcération.

Pour convaincre les jeunes de la dure réalité de la prison, Yannick Deslandes se déplace dans les quartiers avec une cellule réaménagée dans un fourgon. Il milite aussi pour que les jeunes rencontrent des familles de détenus.


Sensibiliser à la vie carcérale est l'une de ses batailles, tout comme il insiste sur l'importance d'une vraie politique de réinsertion.

"Un détenu en moins, c'et des victimes en moins", assure-t-il, racontant son parcours semé d'obstacles lors de la recherche d'un emploi en sortie de prison.

Yannick Deslandes veut aussi couper le mal à la racine, en sensibilisant les plus jeunes aux dangers du narcotrafic.

"Pourquoi est-ce qu'ils y restent ? L'argent ? C'est une excuse. En réalité, quand toutes les portes se referment, le seul exemple de réussite qui reste, c'est le trafiquant. Il gagne de l'argent, belle voiture, belle nana... C'est ça qui fait envie, c'est la place que l'on a dans la société. On se sent capable, on est quelqu'un. Malheureusement, on ne se doute pas que ce n'est que du mensonge."

Lui-même a connu les trahisons de ses anciens associés. Des années en prison, l'envie d'en finir avec la vie. Et puis, finalement, le déclic.


"Tu n'as pas le droit de laisser cet héritage à tes enfants" : c'est ce qu'un surveillant de prison lui a confié, après une tentative de suicide.

Yannick Deslandes, qui avait commencé à apprendre à lire et à écrire en prison, se met alors à imaginer une autre vie. Aujourd'hui marié, il pilote l'association Mur'Mures avec sa compagne qui en est la présidente.

Son autobiographie, Au-delà les murs. 22 ans de prison et la lumière (éd. Balland, 2022), est devenu un outil d'échanges et de prévention. Pour que les jeunes choisissent un autre chemin que celui du narcotrafic.

"Ce sont nos enfants, notre demain", conclut Yannick Deslandes.