Selon l'accusation, la vie de plusieurs centaines de personnes, dont des syndicalistes, a ainsi été scrutée à travers toute la France.
Si, pour des questions de prescription, les prévenus comparaissent pour des faits couvrant la période 2009-2012, ces pratiques remontaient selon l'enquête au début des années 2000.
Dans cette affaire dite d'espionnage dont le procès a débuté lundi, Ikea France, poursuivi comme personne morale, encourt jusqu'à 3,75 millions euros d'amende.
Quinze personnes physiques sont également jugées, dont des directeurs de magasins, des fonctionnaires de police et des anciens dirigeants comme l'ancien PDG Stefan Vanoverbeke (2010-2015) et son prédécesseur Jean-Louis Baillot.
Au cœur de ce "système" figure Jean-François Paris, directeur de la gestion des risques d'Ikea France de 2002 à 2012, aujourd'hui âgé de 56 ans. Il a reconnu avoir transmis des listes de personnes "à tester" - reçues de directeurs de magasins - à Jean-Pierre Fourès, un ancien policier patron de la société d'investigations privée Eirpace.
"Tout le monde savait"
Aujourd'hui à la retraite, M. Fourès est accusé de lui avoir répondu en piochant des données confidentielles dans un fichier de police informatisé.
Ainsi à Bordeaux, des échanges de courriels entre 2003 et 2008 révèlent les préoccupations de M. Paris au sujet d'"un employé modèle devenu du jour au lendemain très revendicatif". "Nous souhaiterions savoir d'où vient ce changement", demandait-il, "prosélytisme divers ? (...) Risque de menace écoterroriste ?"
Cette surveillance était soit "ponctuelle, à la demande des directeurs de magasins" ou "généralisée" lors de l'ouverture de magasins, a précisé M. Paris. Des "contrôles de masse" qui ont cessé en 2011 "parce que Monsieur Baillot a quitté Ikea France", a-t-il également assené.
D'après l'enquête, la filiale allouait un budget de 30.000 à 600.000 euros par an à plusieurs sociétés d'investigation.
Après la révélation de l'affaire dans la presse, Jean-François Paris a été "écarté" par la direction.
"Quand la direction de la communication a demandé de nier (les faits), j'ai dit que ce n'était pas possible car tout le monde le savait", a lâché l'ex-responsable. "Très rapidement, l'entreprise s'est détachée de ses responsabilités", a-t-il ajouté, taclant la "lâcheté de la société qui a mis en place ce système".