Quand tu rentres dans ce domaine-là, c'est difficile de garder les yeux fermés tout le temps et de se dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. J'ai toujours été très curieux, depuis ma plus tendre enfance à Heyrieux dans le nord-Isère. Dans le milieu du sport, tu te rends bien compte qu'il y a quelque chose de très opaque. Et pas que dans le football. N'arrivant pas à fermer les yeux et mon clapet, cela m'a paru naturel, car c'est en lien avec ma personnalité.
Après, j'adore le foot, c'est le sport qui est au carrefour d'intérêts politiques, financiers, diplomatiques, criminels… c'est un acteur clé de la mondialisation. Il suffit de voir n'importe quel évènement footballistique. À part une catastrophe naturelle ou une guerre, le foot est ce qui donne le plus de visibilité. Tu as des États qui ont une stratégie là-dessus. On peut penser au Rwanda, qui s'affiche sur les maillots d'Arsenal ou du PSG. Tu te rends compte que ce milieu, c'est un État, à savoir la FIFA, qui se permet de menacer d'autres États, à savoir des gouvernements, des présidents de fédérations ou de clubs… C'est une espèce de zone de non-droit. Quand tu aimes quelque chose, tu ne peux pas accepter que ce soit détruit comme ça. Donc moi, je fais ça par amour.
Récemment, tu as fait des révélations sur des affaires de pédocriminalité à la Fédération française de football. Tu sembles amer par rapport à l'immobilisme des politiques sur ce sujet…
Je regrette le silence du ministère de la Justice, je les ai contactés, mais pas de réponse. Je regrette aussi le mutisme de l'Élysée. Quand on parle de sujets comme ça sur les enfants, il n'y a plus personne. Cela montre à droite et à gauche le manque d'humanité, à défaut de dire de courage. Ne pas demander de commission d'enquête parlementaire sur ça, c'est honteux. Quand tu vois ça, tu te dis qu'il y a un sacré problème. La ministre des Sports a dit espérer que ces révélations à la FFF n'allaient pas trop perturber l'équipe de France. Je suis président de la République, je la vire sur-le-champ ! Elle compare une équipe de football et ses résultats, à l'avenir des enfants ? C'est une faillite étatique !
Évoquons les clubs de la région, notamment l'OL et l'ASSE.
Pour l'OL, j'espère que ça ira mieux concernant le rachat du club. Ce n'est jamais bon quand une vente met trop de temps. Quand on voit le plan qui avait été donné, il n'est pas du tout respecté. On a l'impression à un rachat médiatique comme à Bordeaux. J'espère que les fans de Lyon n'auront pas John Textor, c'est un acrobate de la finance, il se faisait passer pour un homme qui a trois milliards, mais il ne les a pas. Il a tenté de faire la même chose à Newcastle, Benfica, au Sporting... Il a laissé une académie de football en friche en Floride. C'est beaucoup de blablas. S'il y avait de l'argent, la vente serait déjà faite. À côté, c'est le club le mieux bâti de France. Ce qu'ils ont fait en termes de structures et d'idées est magnifique. Il y a eu malheureusement des départs assez dommageables. Mais ce n'est pas un club de voyou comme beaucoup d'autres. Lyon a tout pour être tout en haut, dommage que ça ne prenne pas sportivement pour le moment.
Concernant Saint-Étienne, c'est la catastrophe ! Ils veulent vendre depuis des années, mais réclament trop d'argent. Les fans sont gentils et ont de la patience. Ce sont des gens déconnectés de la réalité. Ça ne travaille pas. Je suis très triste pour les fans de Saint-Étienne. Dès l'année prochaine, ça va être compliqué financièrement, vu qu'ils ne monteront pas en Ligue 1. Et la guerre d'ego entre les présidents est ridicule. Et puis, ce n'est jamais leur faute... La question est : quel est le projet sportif de Saint-Étienne ? J'espère qu'ils ne tomberont pas en National.
Le dernier livre de Romain Molina avec Buthaina Faroq, "Yémen, les bonnes guerres des bonnes affaires", est sorti lundi 14 novembre, aux éditions Exuvie. Son sous-titre : Al-Qaïda, Total et ONU : pillages organisés"