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[INTERVIEW] STROMAE SE CONFIE SUR RADIO SCOOP

Vendredi 4 Mars - 19:20

Musique


Stromae - © Michael Ferire
À l'occasion de la sortie officielle de son nouvel album "Multitude", ce vendredi 4 mars, Stromae s'est confié dans une longue interview accordée à Radio SCOOP.


Après le succès de son deuxième album, Racine Carré, sorti en 2013, Stromae avait enchainé deux ans de tournée intenses, passant par les États-Unis, l'Europe ou encore l'Afrique. En 2015, il s'est retiré de la scène, au bord du burn-out. Son album Multitude, qui sort ce jeudi 4 mars, sonne l'heure de son grand retour sur la scène musicale.

Pour Radio SCOOP, le chanteur belge s'est confié sur sa période de dépression et ses leviers pour s'en sortir, avec notamment ce nouvel album. De l'idée à la réalisation, en passant par les collaborations, sa manière de travailler ou encore le message qu'il veut faire passer... Stromae se livre sur son oeuvre qui semble avoir déjà trouvé un echo auprès du public avec le titre "Santé", mais aussi "L'enfer" qu'il avait dévoilé en en direct sur le plateau du JT de 20 heures de TF1 au début du mois de janvier.



À quel moment as-tu eu envie de retravailler sur un album ?

Je me suis vraiment dit vers 2018-2019, "Allez, ça y est, la maintenant, j'y vais quoi". Et je me suis obligé à bosser de 9h à 17 h tous les jours. Après, en même temps mon fils m'a un peu obligé à le faire dans la mesure où il fallait bien le déposer à la crèche et aller le chercher.

Donc les histoires d'horaires, terminer à pas d'heure à des 7 h du matin, puis dormir toute la journée, ça, c'était plus possible. Et donc je me suis vraiment dit OK. Bon, ce sera une première pour moi, mais il va falloir que je me fasse douleurs pour ne pas tomber dans mes travers, de pas dormir, quoi !

Et d'avoir des horaires. Pas n'importe quoi, donc je me suis dit OK. Maintenant, je m'y mets sérieusement et avec une vraie rigueur de travail. Comme certains auteurs de livres peuvent faire, on se levant à 6 h du mat, ils commencent à gratter.


Était-ce un changement radical dans ta manière de composer ?

Je pense qu'il y a une façon naturelle à aller bosser la nuit parce qu'on n'est pas beaucoup dérangé, on n'est pas sollicité et on peut faire des longues plages où on est vraiment focus sur un truc pendant longtemps et en fait, j'avais cette vieille croyance qui dit que c'est dans la douleur que sont les meilleures choses. Mais je me suis convaincu du contraire. En fait, si tu travailles, tu travailles, c'est tout. Il n'y a pas de secret, il faut juste bosser.

Les influences de l'album sont très diverses : tu aimes jouer avec la dualité entre mélodies éclectiques et textes en Français ?

Autant musicalement, il n'y avait aucun problème à aller partout, autant au niveau des lyrics. C'est un peu compliqué. C'est à dire je suis un peu cloisonné dans la mesure où je parle français et que ma langue maternelle est le français. Et je dis langue maternelle parce que je trouve que pour être le plus sincère et exprimer le plus de choses, je pense que c'est dans sa langue maternelle qu'on est le plus à l'aise. En tout cas, je me sens pas avoir assez de connaissances ni en espagnol ni en anglais pour pouvoir commencer à écrire des textes. Donc ouais, c'est un peu... je suis assez cloisonné. Après, c'est vrai que je pourrais m'amuser à traduire des chansons dans d'autres langues, mais je le fais pas beaucoup.

Dans l'album, on retrouve ta capacité à décrire des situations parfois plombantes alors que la musique est solaire, est-ce quelque chose que tu as voulu appuyer ?

Forcément, ma musique elle va toujours être assez entrainante parce que j'aime ça, et puis en même temps, de l'autre côté, j'ai envie de contrebalancer parce qu'une musique entraînante, plus des paroles joyeuses. Ça fait un tout petit peu cliché. Et donc, je me dis tiens, je vais peut-être prendre l'opposé ou raconter un truc un peu plus deep. J'ai envie de trouver ce paradoxe entre les deux.

"J'ai fait appel à Orelsan pour m'aider"


Comment composes-tu tes morceaux ?

C'est vraiment ludique pour moi de composer et l'écriture, c'est un peu plus dur. Et après le moment où je les chante et je chante les textes, j'en suis assez fier. Et donc ça fait plaisir qu'il y a un truc satisfaisant. Mais c'est toujours la musique qui drive tout. Il y a un morceau que j'ai essayé, qui n'est pas sur l'album un peu de la même manière que j'ai fait dans « Humain à l'eau », sur Racine carrée, où je me mettais dans la peau de deux mecs qui étaient plutôt autochtones et qui vivaient de manière beaucoup plus traditionnelle que nous aujourd'hui et qui nous en voulaient en gros pour la façon dont on traitait notre planète. Donc, c'était une espèce de track écologiste. Et là, je voulais le faire par rapport aux animaux, donc là, je me mettais dans la peau des animaux qui nous en voulaient de les manger et tout ça.

Sur le papier, c'était super. Mais en fait, j'ai essayé de l'écrire et elle était nulle,.. Donc j'avais commencé par les textes et j'ai essayé plein d'instruments et ça ne marchait pas. A un moment, il faut abandonner. Des fois, il y a des concepts qui sont cools sur le papier, mais c'est peut-être un peu bateau. C'est peut-être les sujets communs que tout le monde a envie d'aborder. Il faut peut-être éviter.

Qui a collaboré avec toi sur cet album ?

Mon frère m'a beaucoup aidé, Luc. Il a fait d'énormes recherches sur le plein de type d'instrument différents du monde entier. Je lui ai donné des idées, lui me donnait des idées. Par exemple avec l'erhu, ce violon chinois. Sur GarageBand, tu peux jouer de l'erhu Il y a un simulateur d'erhu qui sonne pas mal encore. Mais évidemment, ce n'est pas la même chose qu'un vrai joueur d'erhu. Guo Gan le gars qu'on a contacté. Il se définit d'ailleurs comme le master de l'erhu. Et d'ailleurs, c'est vrai qu'il est quand même assez doué. Donc le mec a débarqué sur « Solassitude » en trois prises, c'était plié. Le mec est super fort. Il avait préparé la session, mais même le gars est vraiment très fort.

On a rencontré Alfredo Coca qui a un joueur de charango bolivien. Qui lui pour info, c'est un architecte de base et il fait du charango à côté. Mais c'est aussi un master de charango en Bolivie. Il est venu à Bruxelles. En fait, il venait pour un festival de la Bolivie, ici à Bruxelles. Ma mère, qui est à fond dans la communauté bolivienne, ici à Bruxelles, elle connaît beaucoup de Boliviens ici et donc c'est comme ça qu'on a su qu'ils venaient. Et donc, on a connecté comme ça.

Il y avait un jour de Ney aussi, qui est une flûte, si je ne me trompe pas Turc. Selman, c'est un mec qui bosse beaucoup, d'ailleurs, avec des beatmaker trap drill et tout. Et mon frère Luc aussi, qui a été producteur sur deux morceaux sur "Mon amour" et "Bonne journée", il a pris des samples de treize Vénézuéliennes. Il a repris un sample d'Alfredo Coca pour faire "Bonne journée".

Et puis, on a bossé avec un mec qui s'appelle Moon Willis, qui est un beatmaker anglais que j'ai rencontré via Julien Peretta dans ma période où je composais pour d'autres. A un moment, il m'a demandé de lui rendre service et il m'a dit "Tiens, il y a un gars qui aime vraiment ce que tu fais, il s'appelle Moon willis" et je l'ai rencontré.

Et je me suis rendu compte qu'il avait une super bonne culture, de la musique, du monde en général.

Tu te livres énormément sur cet album, était-ce important pour toi de montrer que tu avais pu vaincre tes démons ?

J'étais en studio avec Orelsan parce que j'ai fait appel à lui pour m'aider, pour me débloquer un peu pour l'écriture, comme je l'avais déjà fait sur Racine carrée, et en fait, lui m'a dit "Tiens, je vois un truc assez glorieux et tout un truc combattant" Je me suis dit "Ah ouais, c'est vrai, c'est intéressant". Je n'ai pas vu ça comme ça. Et c'est là que je me suis dit OK, une fois que j'étais seul, je me suis dit En fait, c'est la guérison. En fait, c'est ça. C'est une bagarre contre la maladie. C'est ça le truc. Après, l'envie, ce n'est pas d'être ultra personnel.

En tout cas, moi, ça ne m'intéresse pas trop de faire un album ultra personnel. Il y a une partie de personnel dedans, c'est inévitable. En tout cas, moi, personnellement, quand j'écoute des albums qui sont trop personnels, je ne me sens pas concerné.

Ça ne me touche pas vraiment. Et donc, c'est parce que c'était sur la guérison que je me suis dit en fait, je ne suis pas le seul à m'être battu contre une maladie. Donc, c'est pour ça que je me suis dit que ça faisait sens.

Tu ouvres l'album avec « Invaincu » pourquoi ce choix ?

En fait, ce qui se passe, c'est que moi, les morceaux je les fais et après ça, je les mets dans un ordre et on les remet dans plein d'ordre. Et on voit, on se dit tiens, ça marche comme ça, ça marche comme ça.

C'est vraiment une fois aboutie que je commence à les remettre ensemble. En tout cas, "Invaincu", c'était évident pour moi. "Invaincu", c'était le premier morceau de l'album. Ça, c'était sûr et certain. C'est d'ailleurs le morceau avec lequel je vais commencer le live, ça c'était sûr parce qu'il y a un truc hyper combatif.

C'est bien comme intro quoi. Après, on déroule, on essaye d'alterner entre des morceaux plus énergiques, plus calmes, essayer de trouver un équilibre et puis finir sur une bonne note aussi.

C'est vrai qu'il y a beaucoup de sujets qui ne sont pas très joyeux et à la fin de "Multitude", je trouvais ça important de finir sur une note joyeuse avec "Bonne journée". Comme quoi il y a quand même des bonnes journées. Il y a quand même des choses positives aussi. La vie n'est pas que compliquée non plus.

"Adèle, j'ai fait une demande"


Dans l'album, tu joues beaucoup avec le thème de la dualité…

Ben ouais, c'est parce que c'est la vie et comme ça, je n'ai rien inventé, je suis, je crois que je retranscris juste que ce que je vis et ce qu'on vit tous, en fait, c'est qu'il n'y a pas de haut sans bas et à pas de bas sans haut, comme je dis dans "Bonne journée" Finalement, si on avait plus pas de hauts ni de bas, je crois qu'on s'ennuierait vraiment beaucoup. C'est la vie, quoi.

Quel regard portes-tu aujourd'hui sur « L'enfer » ?

J'ai du mal encore avec ce morceau parce que je ne cerne pas encore tout à fait bien de quoi est-ce que ça parle tout à fait.

Je crois que ça parle peut-être, comme tu disais, les démons et part sombre de nous, avec on a du mal à dealer, parfois. Un peu les moments compliqués qu'on traverse chacun dans nos têtes surtout.

Est-ce que le fait d'être devenu père t'a influencé dans l'écriture ?

Si un petit peu, puis aussi le fait de voir la réaction de mon fils aussi à certains morceaux que j'ai faits. Non, ce n'était pas forcément intimidant d'écrire en tant que papa, mais en tout cas, une réalité, c'est que je parle beaucoup de caca dans mon album.

Je pense que mon fils, il y est pas pour rien. Parce que j'avais les mains vraiment dans la merde, littéralement. Donc forcément, ça s'est ressenti dans mes textes. J'en parlais avec Orelsan. Il me dit Je ne sais pas si je mettrai autant caca dedans et tout mais moi je m'en fous et tout, franchement, ça ne me dérange pas. Finalement, ça fait partie d'une partie de ma vie.

Était-ce important pour toi de présenter un disque sans invité ?

C'était juste qu'il fallait que ça fasse sens, peut être que des fois, je me fie trop à la direction d'un album et donc je veux trop m'y tenir et peut être, à défaut.

Mais en tout cas, les featuring qu'on me proposait, ce n'était pas vraiment... Ils n'allaient pas vraiment dans cette direction-là. Dans la direction, justement, mélange d'inspirations du monde entier et donc, finalement, non ça ne s'y prêtait pas.

Et puis, il y avait cette influence un peu folklorique, traditionnelle qui devait se ressentir, je trouve dans un featuring s'il devait y en avoir. J'ai envoyé une demande à… pourtant, ce n'est même pas la direction, donc c'est complètement con.

Mais Adèle, j'ai fait une demande. Il y avait une forme d'intérêt, mais ça s'est pas mis. Et en plus je me serais dit à la fin que ça n'avait rien à voir avec l'album.

Qu'est ce que je fou, en fait? Après peut-être que je suis tellement fan que je me serais dit oui, mais si ça rentre dedans, je me serais trouvé une raison.

Quels artistes t'ont inspiré pour cet album ?

DJ Alex, un DJ argentin qui m'a inspiré le groove qu'on entend dans "Santé" et dans "C'est que du bonheur." Tu vois ce groove un peu décalé qui fait reggaeton, mais un peu ternaire et en fait, lui m'a inspiré sans faute. C'est lui qui s'est vraiment inspiré de la cumbia pour en faire des remix. Mi reggaeton mi cumbia.

Beaucoup d'artistes afro pop comme Davido, Burna Boy. Comme artiste américain, Billie Eillish, quand même. Je l'ai beaucoup écouté. En fait, c'est en voyant son concert d'une heure, d'ailleurs qui durait qu'une heure, retransmission en streaming et tout.

Et en fait, je me suis dit Purée, ça faisait longtemps que j'ai pris une belle claque visuelle, au niveau du son. Vraiment, c'était... Je trouvais que c'était le meilleur concert que je n'avais plus vu depuis très longtemps et surtout derrière un ordinateur.

Parce qu'il faut faire le job quand même. Parce que faire le job dans une salle de concert, c'est plus facile. Le faire derrière un ordinateur, on peut vite zapper, on peut vite passer à autre chose et je suis resté vraiment scotché pendant 1 h.

Ça ressemblait comme à un clip d'une heure. C'était bien foutu, vraiment.

Réfléchis-tu à tes prestations live quand tu composes tes morceaux ?

Je l'ai fait plus sur "Racine Carrée" et un peu moins sur celui-ci "Multitude", je me suis moins... D'ailleurs il y a des morceaux où je me rends compte que c'est plus difficile de les chanter en live maintenant que j'apprends à les chanter en live.

J'ai pas beaucoup pensé. Peut-être certaines choses. Ouais, si j'ai quelques flashs comme ça ou je me dis qu'il faudrait que je l'interprète comme ci ou comme ça. Sur "Bonne journée", par exemple. Sur "Mauvaise journée" où je me disais très tôt qu'il fallait que je le fasse dans un fauteuil.

Il faut que je sois, il fallait que je sois affalé dans un fauteuil. La déprime totale, quoi. C'est ce que je dis dans le refrain, d'ailleurs. Quelques flashes comme ça, mais ça se construit au fur et à mesure de la construction du live. C'est ce qu'on est en train de faire, justement.

"La bonne humeur n'est qu'un point de vue"


Pourquoi un tel mélange de cultures musicales dans ton album ?

Je suis moi-même issu du mélange, même si on est blanc ou qu'on est noir, ou peu importe les mélanges, ça fait partie de la race humaine. Le mélange, de manière générale, ça m'intéresse.

Après c'est une évidence. Le mélange, ça fait partie de nous, ça fait partie de moi. C'est ce que j'essaie de faire dans l'album. Finalement, c'est en fait, c'était tout le travail de se dire que finalement, je n'avais pas envie qu'on puisse pointer un pays du doigt en se disant c'est le morceau reggaeton, ah c'est le morceau salsa. Ça, c'est le morceau hip hop. En fait, c'est justement ce que j'avais envie de faire, c'est comme sur "Fils de joie", où on entend une rythmique de baile funk brésilien avec un quatuor à cordes et du clavecin.

Parce que c'était un peu inattendu et que ça change… C'est ridicule, parce que, comme je disais, la world music, c'est ultra égocentré. C'est à dire que oui, un Bolivien, pour lui, les musiques du monde, c'est de la musique française.

Et pour nous, la musique du monde, c'est de la musique bolivienne. Donc c'est là, que ça devient super marrant. C'est qu'un morceau qui évoquait l'Asie et en fait pas du tout. C'est juste que les mélodies pentatoniques, pour moi, ça m'évoque l'Asie ou un pays d'Éthiopie ou un peu de l'Afrique de l'Ouest. Elle est utilisée en Amérique latine aussi, et c'est des mélodies qui sont utilisées en Amérique du Nord aussi. Bref, c'est marrant, tout se croisent.

Cherches-tu à avoir des morales dans tes chansons ?

Ma belle sœur me dit souvent ça, c'est que dans mes histoires, je n'ai jamais de morale à la fin. Je n'aime pas trop les morales. C'est vrai que si j'avais été un créateur de jeux vidéo, peut être que j'aurais fait un jeu vidéo genre complètement ouvert, avec plein de types de fin.

Je sais que j'ai du mal à finir par une conclusion en disant en fait, c'est ça ou en fait, c'est ça. C'est ce que je fais finalement dans "Bonne journée" où je dis "l'humeur, c'est qu'un point de vue et on choisit pas" Si tu vois le beau côté des choses ou pas", c'est peut-être la seule conclusion que je prends, mais finalement, c'est pas une vraie conclusion, c'est juste une analyse chimique de nos émotions. C'est juste que oui, la bonne humeur n'est qu'un point de vue.

C'est que tu vas vivre un truc d'une certaine manière un jour, parce que tu es bien luné et l'autre jour t'es mal luné et ça va mal se passer. Ne pas vraiment prendre de décision, ça me ressemble bien, ça.



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