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À LYON, LA JUSTICE RESSUSCITERA-T-ELLE UNE FAUSSE MORTE DE LA LOIRE ?

Lundi 11 Janvier - 08:26

Actualité


Le tribunal de Lyon - © DR
La perte d'un contrat par une entreprise de nettoyage, voilà vingt ans, peut-elle expliquer que son ex-patronne, qui vit dans la Loire, ait à se battre aujourd'hui pour prouver qu'elle est bien vivante ? La justice lyonnaise est confrontée aux conséquences dramatiques d'un drôle d'effet papillon.


"C'est une histoire de fou", lance Sylvain Cormier, avocat de Jeanne Pouchain.

Dans un arrêt rendu le 10 novembre 2017, la chambre sociale de la cour d'appel de Lyon a tenu pour acquis, à tort, que cette femme mise en cause dans un vieux litige prud'homal était morte.

L'information du décès a été fournie par la partie adverse et les juges ont statué à l'encontre des potentiels ayants-droit - le mari et le fils, absents à l'audience. "La plaignante a affirmé que Mme Pouchain était morte, sans preuve, et tout le monde l'a crue. Personne n'a rien vérifié", déplore Me Cormier, arrivé par la suite dans le dossier.

Sa cliente de 58 ans habite à Saint-Joseph (Loire). Très affectée, elle dit avoir perdu son existence légale et les droits qui vont avec: plus d'identité, plus de permis de conduire, plus de compte bancaire, plus de mutuelle, etc.

"Un calvaire bureaucratique", décrit son conseil: "elle disparaît en permanence des fichiers et doit renouveler sans cesse ses démarches d'ouverture de droits", auprès de la Sécurité sociale par exemple.

"L'administration me dit que je ne suis plus morte mais que je ne suis pas encore vivante, je dois être en gestation", ironise celle qui a lancé une demande d'inscription de faux devant le tribunal afin de ressusciter officiellement.

Jugement inapplicable


Cette procédure civile, rare, permet de remettre en cause la validité d'une décision de justice, d'un acte d'huissier ou de notaire. Une audience dite de mise en état est prévue ce lundi, avec remise de conclusions et de pièces entre adversaires.

Jeanne Pouchain accuse une ancienne salariée de sa société de nettoyage, à l'origine du vieux conflit prud'homal, d'avoir inventé son décès pour obtenir le versement d'indemnités qui lui échappaient jusque-là. L'avocate de la mise en cause, Me Pascale Revel, n'a pas voulu s'exprimer.

Le litige initial remonte à la perte d'un marché par Mme Pouchain au profit d'autres entreprises, le 29 novembre 2000. Un battement d'aile aux conséquences lourdes deux décennies plus tard.

Le transfert du contrat de travail de la femme de ménage pose en effet difficulté et celle-ci saisit les Prud'hommes. En 2004, ceux-ci condamnent Jeanne Pouchain à lui verser plus de 14.000 euros. Hic, la procédure n'a pas été menée contre cette dernière, qui l'employait, mais contre son enseigne commerciale, Select Services.

Ce qui empêche d'exécuter le jugement, expliquent alors des huissiers à Me Revel. Sa cliente ne désarme pas et relance l'affaire en 2009 en ciblant la bonne personne. Requête jugée irrecevable en 2013.

"Manipulation"


Fin de partie ? Non: la procédure revient en 2016 à la cour d'appel, dirigée cette fois contre les ayants-droit, au motif que Mme Pouchain serait morte.

"Manipulation assez culottée", commente Me Cormier, pour qui l'ex-employée a volontairement trompé les magistrats dans l'espoir d'obtenir gain de cause aux dépens des pseudo-héritiers.

L'avocate de Mme Pouchain à l'époque, qui avait perdu contact avec elle, ne vérifie pas l'information du décès. Elle assure aujourd'hui avoir fait le nécessaire pour prévenir le mari et le fils de la nouvelle procédure.

Dans des conclusions remises en octobre, Me Revel reproche quant à elle à Jeanne Pouchain d'avoir fait la morte, et à ses proches d'avoir gardé le silence, dans le but d'échapper à leurs responsabilités - elle n'explique pas, en revanche, d'où sa cliente tenait l'information erronée du décès.

La famille rétorque qu'elle n'était au courant de rien. "Vous pensez bien que j'aurais réagi si j'avais reçu des appels ou des courriers affirmant que j'étais morte", soutient la principale intéressée.

Pour son avocat, "le plus édifiant dans tout ça c'est que la chambre sociale n'ait pas fait amende honorable, alors qu'elle aurait dû réclamer un certificat de décès".